Welcome to this TCPG Site.
Translations at babelfish.altavista.com/translate.dyn
for Chinese - Deutsch - Español - Français -
Italiano - Japanese - Korean - Portuguese
or www.freetranslations.com for French -
German - Italian - Norwegian - Portuguese - Spanish.

Le Tabac et La Famille:
Il Cause La Rareté et
la Stérilité des Mariages:
La Débilite Native et
la Mortalité des Enfants:
La Dépopulation des Pays

(Extrait de la
Physiologie Sociale)
par
Du Docteur
Hippolyte Adéon Dépierris

(1810-1889)
(Paris: E. Dentu, J. Bailliére, et
La Société Contre L'Abus du Tabac, 1881)

Contents
I. 3
II. 9
III.12
IV. 19
V. 26
VI. 31
Abrégé Chronologique de L'Invasion du Tabac39

Influence du Tabac
sur
La Génération

I

Je venais de passer vingt ans en Amérique; et, quand je revis Paris, avant 1870, une chose me frappa. Les Champs-Élysées, les Tuileries, le Luxembourg, le Jardin des Plantes, ne me paraissaient plus les mêmes qu'autrefois. Tous ces grands centres de promenades publiques que j'avais connus, dans un autre temps, si animés, si bruyant, me paraissaient comme autant de solitudes.

Je ne me rendais pas bien compte de cet état présent, et je cberchais, dans mes souvenirs, ce qui pouvait manquer pour donner de la vie à cette nature enguirlandée d'art, et paraissant endormie au milieu d'un monde muet de statues de marbre et de bronze.

Les moineaux et les ramiers y étaient aussi nombreux et plus apprivoisés qu'autrefois. Les poissons rouges et les cygnes vivaient, comme toujours, en bonne harmonie, dans les eaux des bassins. Et tout cela ce n'était que du mouvement, ce n'était pas la vie; car il y manquait les petits enfants, dont les mille groupes, aux vêtements de toutes nuances, ressortaient comme des touffes de fleurs mouvantes, sur le vert des arbustes et des pelouses.

Un jour, j'étais aux Tuileries, tout entier à ces réflexions, lorsque je vis une dame âgée soutenant par le bras une jeune fille d'une dizaine d'années. L'enfant, appuyée de

-3-

l'autre côté sur une béquille, essayait péniblement a faire quelques pas, en se rapprochant d'une petite voiture que conduisait une bonne. Ces deux femmes me parurent si en peine pour asseoir cette enfant sur son léger traineau que, par un mouvement spontané d'obligeance, je m'offris de leur venir en aide.

«Merci, monsieur, dit la bonne dame. La pauvre enfant est si souffrante et si faible, que je n'ose la toucher de peur de lui faire mal. Et puis c'est la première fois qu'elle sort depuis qu'elle est malade, et nous ne sommes pas encore bien au fait de la mouvoir, ma bonne et moi.

—Ce sont des suites de maladies nerveuses qui ont privé du mouvement cette intéressante jeune fille?

—Vous connaisses donc, monsieur, ces maladies terribles?

—Oh! madame, je sais, par expérience, combien elles fout les douleurs des familles et le désespoir des médecins.

—Monsieur serait-il médecin?

—Je l'ai été, madame, mais je ne le suis plus; c'est-à-dire que je ne pratique plus.

—Alors, monsieur, vous devez comprendre tout ce que nous a donné de peines et d'ennuis cette chère enfant car voilà deux ans qu'elle est dans cet état. Elle a d'abord eu une enfance des plus orageuses et, à chaque dent qu'elle perçait, nous croyions devoir la perdre dans les convulsions. Puis elle tomba du haut mal; et, d'accès en accès, qui se répétaient à distances de plus en plus rapprochées, elle est arrivée à l'impotence où vous la voyez aujourd'hui. Il paraît que c'est un mal de famille; car ma fille a déjà perdu trois enfants en bas âge, par suite d'affections du cerveau.

«De mon temps, monsieur, on connaissait à peine ces maladies-là, et on voyait partout prospérer de grandes familles. Aujourd'hui, les ménages sont sans fécondité, et on ne peut plus élever les enfants. Ceux qui échappent aux maladies du bas âge sont souffreteux; et combien de familles ont, comme nous, leur croix dans les infirmités de ces chers petits êtres! Nous avons, nous, une paralytique; d'autres

-4-

ont des aveugles, des sourds-muets, des estropiés, des noués, des idiots.

«Il est un fait que nous pouvons constater, nous qui avons vécu bien des années, et qui avons vu passer bien des événements: c'est que les enfants aujourd'hui sont moins nombreux et moins beaux qu'ils étaient autrefois.

«D'où vient cela, monsieur? Je suis une habituée de cinquante ans de ce jardin, que j'ai toujours beaucoup fréquenté: et je me rappelle, au temps que j'étais jeune fille, dans les belles journées de printemps, comme il en fait une aujourd'hui, toutes ces allées, toutes ces terrasses étaient couvertes de troupes d'enfants qu'elles avaient peine à contenir. Aujourd'hui, on pourrait les compter, tant ils sont disséminés et rares. Sous ces grands arbres, où nous courions, sautillions, caquetions joyeuses, ce sont des adolescents qui jouent aux barres, des hommes qui s'amusent à la paume, dans les solitudes de ces vastes espaces.

«Qui nous fait donc déchoir ainsi? car où les enfants manquent, l'humanité, dont ils sont les racines, entre en langueur. No croyez-vous pas, comme moi, monsieur, que ces Bonapartes, par leurs guerres, ont tant saigné la nation qu'ils ont tari ses plus riches sources de vie? On doit aussi compter, pour une bonne part dans ce mal, l'inconduite du peuple qui, dans toutes leurs révolutions, a perdu la foi religieuse et la croyance en Dieu.

—J'admets, madame, qu'il peut y avoir quelque chose de vrai dans votre manière d'expliquer ce grand fait de la rareté des enfants; mais les véritables causes ne sauraient s'en trouver seulement dans les guerres, et dans le manque de moralité chez le peuple. La jeune noblesse a peu paru sur les champs de bataille de la République et de l'Empire; et vos familles, dans nos longues évolutions sociales, sont toujours restées le palladium de la religion et des pratiques de la morale. Et, vous le voyez, vos enfants n'en sont pas pour ça mieux venants que les enfants de tout le monde.

—Vous dites là, monsieur, une vérité qui ne m'avait pas encore frappée, et je vois maintenant que c'est dans toutes

-5-

les classes de la société que les enfants se font rares. On dit bien aussi que ce sont les difficultés du temps, la diminution des fortunes, qui font qu'on se marie moins et qu'on est très réservé sur retendue de la famille qu'on se propose d'élever.

«Monsieur, j'ai trois enfants, un fils et deux filles, et voilà le seul rejeton de cette famille. Mon fils, qui a passé la quarantaine, ne s'est pas encore senti de vocation pour le ménage; et vous pouvez croire que ce ne sont pas les partis qui lui ont manqué. Les marquis de C*** ont toujours été recherchés pour leurs alliances; et, si nous n'avons pas l'opulence d'autrefois, nos maisons sont encore riches.

«Ma fille, la plus jeune, a quinze ans de mariage et, à son grand regret, n'a jamais eu d'enfants. Mon aînée, dans dix-huit ans de ménage, en a perdu trois, de un à cinq ans, et n'a pu sauver que cette pauvre infirme. Mes filles sont pourtant bien constituées, et dans ma famille on est loin d'être stérile, car nous étions neuf enfants chez mon père.

«Mes gendres, sans être des hommes très forts, ont des apparences de santé. Ils se sont mariés de bonne heure et n'ont pas, comme beaucoup de jeunes gens d'aujourd'hui, épuisé leur vigueur dans les satisfactions de passions précoces. Ils ne sont pas des habitués de cercles ou de clubs, où les hommes s'énervent par les liqueurs ou le jeu. Leur vie est des plus simples: le jour, ils montent à cheval, visitent leurs terres, chassent, et le soir, ils font en famille leur partie de billard ou d'échecs, en fumant leur cigare.

—Et ils fument tous les soirs?

—Ah! monsieur, ne m'en parlez pas; mes filles et moi n'avons jamais pu les corriger de cette vilaine habitude. Si encore ils ne fumaient que le soir; mais ils fument après le déjeuner, après le diner; pour mieux dire, ils fument toujours.

«Feu le marquis, mon mari, qui donna sa démission de colonel des cuirassiers de Charles X [1824-1830], ne voulant pas servir sous d'Orléans, fumait bien, lui aussi, comme militaire, mais jamais sous le regard des dames. On ne fumait pas à la cour de Charles X, comme on fume sous celui-ci (Napoléon III [1852-1870]). Nous ne semions jamais, dans ce jardin, ces détestables

-6-

odeurs. Louis-Philippe [1830-1848] lui-même ne permettaii pas d'y fumer.

«Aujourd'hui, tout est licence, et l'on ne connait plus le bon ton. Voyez tous ces officiers en bourgeois, ils grillent leur moustache au feu de leur cigare, dont ils nous envoient cavaliérement les bouffées, sans s'inquiéter si ça nous gène. Des officiers du roi, en société de dames, comme sont ici ces messieurs, se seraient bien mieux tenus que ça.

«S'il n'y avait là qu'une infraction aux convenances, on pourrait être indulgent pour ce travers d'enfants, où sont tombés tant de gens raisonnables; mais c'est le mauvais exemple que ça donne à la jeunesse. Voyez ces petits collégiens, ils singent les officiers à moustaches; ils fument en se donnant des airs d'importance; mais on voit bien que le tabac leur monte à la tête ei leur tourne le cœur, car ils en sont jaune vert.

—Ils prennent leur revanche contre l'arrêt de l'Académie des sciences, qui leur a fait l'affront de ne pas les juger assez mûrs pour brûler du tabac.

—Je ne comprends pas votre allusion, monsieur: que s'est-il donc passé dans la docte assemblée qui ait rapport à ces jeunes gens?

—Vous n'avez donc pas, madame, connu tout cet événement, dont on a beaucoup causé dans les familles? Tout récemment, un médecin attaché à l'un de nos grands lycées de Paris, fanatique de la pipe, sans doute, a eu l'idée de s'adresser à l'Académie des sciences, pour lui faire constater les bons effets du tabac sur la jeunesse et eu recommander l'usage dans les institutions de l'Etat, comme passe-temps agréable et hygiénique pour les enfants.

«Voyez-vous l'Etat, de par les conseils de l'Académie, vendant son tabac à pris réduit et à titre de faveur aux élèves des collèges, comme ça se pratique dans l'armée? . . . Devant la singularité de cette communication, l'Académie passa gravement à l'ordre du jour, sans s'occuper si elle avait eu affaire à un halluciné ou à un mystificateur.

«Voilà comment tous ces petits messieurs, à qui l'on conteste le droit de fumer leur cigare dans les cours et les

-7-

dortoirs des collèges, viennent, en frondeurs, les allumer ici et poser comme les officiers.

«Vous verrez, madame, que tout cela va ressusciter les luttes du XVIe et du XVIIe siècle, entre les partisans ci les adversaires du tabac. Aujourd'hui, le grand malfaiteur d'Amérique fait, devant le xix6 siècle, appel du jugement dont l'ont frappé les temps passés, alors que les souverains, plus sages que les nôtres et convaincus de ses effets pernicieux, l'avaient banni de leurs États, et infligeaient des peines sévères à ceux de leurs sujets qui en consommeraient.

« Mais, de jour en jour, ce grand procès se complète. Et si le tabac a été déjà condamné par l'opinion publique à une époque où il avait pourtant la prétention de guérir tous les maux, son régne d'aujourd'hui ne saurait, durer longtemps encore, quand on est convaincu qu'il n'a aucune vertu curative, et qu'il n'est qu'un objet de mystification, de folle habitude et de fantaisie malsaine.

«Et la science et l'observation, qui n'ont plus désormais contre elles la superstition et l'ignorance, démontreront assez que le tabac n'abaisse pas l'homme seulement dans son individualité, en lui causant une foule de maladies sans nombre, mais qu'il poursuit encore sa dégradation dans sa descendance, dont il altère la viabilité.

« C'est ce qui fait, madame, que votre famille, où l'on fume beaucoup, m'avez-vous dit tout à l'heure, n'a plus, pour la continuer, que cette enfant débile; c'est ce qui fait aussi que l'on ne voit plus sous les ombrages des Tuileries tous ces essaims de petits enfants qui les animaient autrefois, comme il nous en souvient.

—Si les idées que vous exposez là, monsieur, étaient répandues dans le monde, ce nauséeux tabac, qui fait si souvent la querelle des ménages, tomberait de lui-même de la bouche des hommes, et notre cause à nous, pauvres femmes qui n'avons qu'à souffrir de ses mauvaises odeurs et de tous les désordres qu'il occasionne, serait bien prés d'être gagnée. Est-ce que mes gendres auraient j amais fumé, s'ils avaient eu la pensée qu'ils apportaient, avec leur cigare, la

-8-

stérilité dans leur ménage, les maladies et la mortalité pour leurs enfants?

«Est-ce que mes filles, avec une pareille perspective, auraient jamais consenti a épouser des fumeurs? Savez-vous que le gouvernement est bien coupable de ne pas dire toute la vérité dans cette immense question du tabac, et d'abuser la nation qu'il pousse, en avide marchand, par toutes les séductions, à consommer cette funeste et détestable drogue.

—Il faudra bien que l'administration s'explique, car de toute part on lui signale la mortalité des enfants et la diminution de la population. On la presse de rechercher la source de ces grands accidents sociaux, si préjudiciables au pays, et le résultat de toutes ses enquêtes ne saurait ea trouver de plus puissantes causes que dans le narcotisme du tabac

Je laissai ma respectable marquise sous une impression bien peu favorable au tabac, a qui elle n'aura certes pas manqué d'attribuer, a juste raison, le grand vide existant dans sa famille, par le manque d'enfants.


II

Peu de temps après ma conversation des Tuileries, mon attention fut appelée vers ce grave sujot par des révélations faites au Sénat sur la mortalité des enfants, et dont tout le pays s'émut.

Dés 1866, M. Duruy, ministre de l'instruction publique, avait soumis à l'Académie la question de la mortalité des enfants du premier âge, que l'on qualifiait déjà de fléau permanent, qui dépeuplait nos villes et nos campagnes. L'émotion passa du Sénat au Corps législatif. Ce grand événement domina un instant les agitations politiques d'où devait éclater l'orage où sombra l'Empire, en ébranlant la France.

Le 5 février 1870, les tribunes du Palais-Bourbon étaient garnies d'une foule exceptionnelle de dames, attirées par la nouvelle que M. de Dalmas devait demander au gouvernement

-9-

s'il était vrai que, en France, la mortalité moyenne, pour les enfants d'un jour à un an, était de cinquante pour cent; et s'il était vrai aussi que, dans certains départements, elle s'élevait jusqu'à quatre-vingt-dix pour cent.

M. Chevandier de Vaidrome, ministre de l'intérieur, répondait à l'honorable député que le gouvernement avait été, comme lai, profondément ému de ce redoutable accident; que l'Académie de médecine étudiait la question, et qu'il n'attendait que son rapport pour agir.

L'Académie nomma des commissions, fit des enquêtes, qui constatèrent encore plus que ce qui avait été allégué. Les statistiques du recrutement, pour Paris, établirent que, sur cent enfants nés vivants, il n'en restait plus, à vingt ans, que trente-neuf. Et sur cent de ces conscrits échappés à la mortalité de l'enfance et de la jeunesse, vingt-neuf étaient réformés pour infirmités de toute nature, et dix pour défaut de taille.


C'est en mars 1870 que l'Académie disait, par son rapport:

Les causes de la mortalité des enfants, sur laquelle l'administration a demandé à être éclairée par l'Académie de médecine, sont:

La misère, et trop fréquemment la débauche, qui engendrent si souvent la faiblesse native des enfants et qui les privent de l'alimentation et des soins convenables.


Puis la débâcle de l'Empire arriva [la 1870 guerre avec l'Allemande]. Et, quand la France était menacée de périr tout entière, par manque de virilité et d'énergie de ses défenseurs, on s'occupa fort peu de la mortalité des enfants. Ce ne fut que le 9 décembre 1874 que l'administration présenta à la Chambre un projet de loi voté à l'unanimité, le 23, ayant pour objet la protection des enfants du premier âge.

Il sortira certainement de cette loi de bonnes choses; beaucoup d'enfants échapperont, par elle, à la mortalité du premier âge; quelques-uns feront des hommes; le plus grand nombre traînera dans ce monde une existence mala-

-10-

dive, conséquence inévitable de cette faiblesse native qui nous amoindrira toujours, tant que sa véritable cause, quelle qu'elle soit, n'aura pas été détruite.

Si l'Académie s'est abstenue de la rechercher, c'est:

1° parce que le ministre ne lui demandait que de s'occuper des causes les plus proches, les plus directes, les plus médicales, pour ainsi dire, de la mortalité des nouveau-nés, et des moyens les plus pratiques d'y apporter obstacle.

2d C'est aussi parce qu'elle ne pouvait pas dire officiellement à l'Etat, dont le chef était un type parfait de nicotiné, tout ce qu'en sa conscience elle pensait des effets pernicieux du tabac sur la déchéance de l'homme dans sa virilité, et, par suite, sur la non-viabilité de sa descendance.

Et c'est ainsi qu'elle a assigné, connue première cause de la mortalité des enfants, la misère et la débauche.

A une opinion si généralement formulée, dans un malheur national qui pèse indistinctement sur toutes les classes sociales, on ne peut opposer qu'une vérité: C'est que la France n'a jamais été si riche, ses populations urbaines et rurales n'oni jamais été si aisées qu'elles le sont depuis qu'elles dégénèrent.

Et, quant à la débauche, quiconque a pu juger l'humanité, sur quelque point du globo oû elle vive, s'il est sans préjugé national, dira que la grande famille française est encore celle qui se signale le plus par le travail, l'ordre, la pureté des mœurs, qui font sa haute considération dans le monde, sa grande fortune nationale et son aisance générale. Il faut donc chercher ailleurs les causes premières de cette faiblesse native qui mène à décadence, car elles ne viennent pas de sa misère et de son immoralité. Et, si elles ne sont pas dans le nicotisme, où sont-elles? . . .

L'Académie peut les chercher pendant quatre ans encore, j'affirme qu'elle ne saura les rencontrer ailleurs.


Déjà, en 1881, on lisait dans la statistique de France: On voit, que malgré quelques oscillations, le fait de la diminution graduelle de la fécondité des mariages, dans noire pays, est

-11-

constant; aussi, notre population a-t-elle une tendance marquée à devenir stationnaire.

Si de nos jours on se marie peu, si les mariages manquent de fécondité, si les enfants qui en résultent meurent dans des proportions lamentables, c'est qu'ils ont été procréés par des parents qui n'étaient pas dans des conditions physiologiques voulues pour reproduire la pureté de leur type; et c'est aux sources les plus intimes de la génération qu'il faut remonter pour trouver une explication de toutes ces anomalies désastreuses.


III

Dans les êtres organisés supérieurs, il y a deux personnalités bien distinctes, qui s'appellent l'individu et l'espèce. Ces personnalités ont, pour trait d'union, une glande. Aussi, cette glande, par le fait de cette communauté, et par une grande exception dans la loi organique, n'est-elle pas indispensable à l'individu pour la perfection de son existence, comme être isolé. Il s'en sépare, comme chez les castrés et les eunuques, sans que sa constitution en souffre. Il n'a fait que perdre un sens, le sens génital, en s'affranchissant d'une faculté, ou plutôt d'une obligation: celle d'engendrer.

La nature, en échange de cette obligation accomplie, donne un plaisir; et c'est là, en apparence, tout ce que la glande séminale rapporte à l'homme. Mais ce plaisir, vu la grande utilité de son but, la génération à laquelle il invite, est celui qui ébranle le plus voluptueusement toutes nos facultés de sentir, c'est celui que nous recherchons le plus, et c'est de lui que naissent le sentiment, l'affection de la famille, l'attachement au foyer, à la patrie, l'espérance dans l'avenir: tous ces puissants leviers qui agitent le monde et qui émanent de l'amour et se résument en lui.

La glande séminale, c'est la source de la vie, car elle crée, dans les profondeurs mystérieuses de sa substance, la monade humaine, le zoosperme, cet înfusoire qui deviendra homme,

-12-

en passant par tous les degrés et par toutes les évolutions de la matière animée.

L'empire de cet organe sur l'homme est si puissant, qu'il semble que son règne ne doive exister qu'avec celui de la force physique et de la raison. Aussi, ne commence-t-il sa vie physiologique ou fonctionnelle qu'à la puberté, pour la cesser dans la vieillesse. Avant le premier de ces termes il est rudimentaire; après le second il est flétri.

Nous venons de dire que la glande séminale créait le zoosperme, que le microscope nous montre sous la forme d'un petit reptile, a tête et corps bien distincts, ayant l'apparence et les mouvements des têtards qui se développent et s'agitent dans les eaux corrompues, et qui sont le germe ou l'embryon de la grenouille. Cet infusoire ne peut continuer son évolution qu'au contact d'un autre élément fourni par un autre sexe, la femme. Et, pour aller à la rencontre de son futur allié, la vésicule ovarienne, ou l'oeuf proprement dit, sans lequel il ne serait rien, il voyage dans un liquide que la glande a aussi pour mission de sécréter: le sperme.

Le sperme et l'animalcule qu'il tient en suspension dans sa matière glutineuse sortent tout faits des mille petits conduits vermiculiformes qui constituent la glande génitale, à peu prés comme le fil du ver à soie constitue son cocon. Et ils arrivent dans un double réservoir, un pour chaque glande, placés sous le col de la vessie, tout prés de l'uréthre. Ce sont les vésicules séminales, qui le tiennent à la disposition de la génération, prêt à sortir par les canaux éjaculateurs qui le versent dans l'uréthre, d'où il s'échappe pour accomplir sa mission.


Après l'exposé de ces courtes notions d'anatomie et de physiologie du système génital chez l'homme, voyons quelle influence peut avoir le tabac sur le fonctionnement de cet important appareil, si modeste, si simple, à qui la nature a donné la haute prérogative de sécréter la vie, de créer les êtres.

Si c'est un point incontestable pour nous que, dans cette création, tout est mystère, il est pourtant un fait que nous

-13-

sommes tous à même d'apprécier: c'est que la génération est une fonction exclusivement nerveuse et vitale, et qu'elle met en jeu, pour s'accomplir, toutes les forces les plus subtiles de notre organisme, tous les nerfs par lesquels nous vivons; c'est-à-dire qu'elle est tout entière dans l'innervation.

Or, nous savons, par les expériences de tout genre constatant les effets de la nicotine sur l'organisme, que l'action la plus énergique, la plus incontestable de ce poison végétal, porte sur le système nerveux. Une saurait donc qu'apporter des troubles dans la fonction la plus nerveuse de notre être, la fonction de reproduction.


Le tabac a sur la glande séminale deux modes d'action bien distincts:

  • 1° il altère sa substance;

  • 2° il altère la nature du produit de sa fonction.

  • L'action stupéfiante du tabac sur le système de la génération fut un des premiers phénomènes qui frappèrent les observateurs, au début de son introduction dans nos habitudes intimes.

    Dans le grand vocabulaire français, année 1773, t. XXVII, article Tabac, on lit:

    «Jean Bauhin (un des auteurs qui ont écrit sur le tabac, dans les longues polémiques dont il fut l'objet, vers le XVIe siècle) vante la nicotiane pour détruire, comme par enchantement, toute espèce de vermine qui désole les hommes et les animaux. En Italie, on se sert de la, semence pour apaiser le priapisme; c'est de là qu'on a donné à la troisième espèce de tabac le nom de Priapée


    S'il y a un fait qui doive étonner aujourd'hui, c'est que ces propriétés du tabac, depuis si longtemps constatées, qui l'avalent fait frapper de réprobation et d'ostracisme par tous les gouvernements soigneux de voir l'humanité se développer et grandir sans entraves dans ses voies naturelles, plutôt que de s'étioler dans l'atrophie et la stérilité, aient été plus tard méconnues par ces mêmes gouvernements, qui sem-

    -14-

    blent les avoir oubliées, devant le mirage égoïste de la spéculation et des intérêts financiers.

  • 1° Les observations sur l'homme, les expériences sur les animaux démontrent de la manière la plus péremptoire les effets stupéfiants du tabac sur le système générateur.

    Le Dr Wright, entre autres, après avoir fait manger du tabac à des chiens, pendant un certain temps, a signalé chez ces animaux l'atrophie du testicule, et l'éloignement ou le dégoût qu'ils éprouvaient pour les rapprochements sexuels.

    Aujourd'hui que les enfants s'adonnent à l'usage du tabac, bien avant l'âge de la puberté, on peut remarquer chez ces fumeurs précoces que les organes de la génération n'ont pas pris un développement en rapport avec leur âge. Eux qui croyaient, en fumant, devenir plus tôt des hommes, ils ont subi comme un temps d'arrêt dans leur élévation à la virilité; et chez eux la langueur génitale coïncide avec une rareté bien marquée des poils qui couvrent le pubis, et même de la barbe; il n'est pas jusqu'à leur voix qui ne garde encore, aprés vingt ans, son timbre enfantin ou d'eunuque.

    Comment se produit, chez les fumeurs, l'émaciation, la flétrissure de la glande séminale? Le fait est plus facile à constater qu'à expliquer. Cependant, en remontant à la tenture anatomique de l'organe, on voit qu'il est composé d'une substance tubulée, d'une longueur infinie, roulée sur elle-même comme un fil dans une pelote. Cette substance est pulpeuse et a tous les caractères de la matière qui forme les grands centres nerveux: le cerveau, la moelle épinière. En sorte que l'on peut dire avec raison que la glande, ou mieux le tube qui la constitue, est un nerf creux.

    Or, nous savons par expérience que la nicotine produit sur le système capillaire aérien, artériel et veineux un resserrement qui trouble l'action physiologique de ces canaux, jusqu'au point de produire leur obstruction. Combien, à plus forte raison, ne doit-elle pas agir sur une substance aussi impressionnable que la pulpe nerveuse, et produire en elle une rétraction d'où suit la diminution sensible de l'ensemble de l'organe de la génération?

    -15-


  • 2° Or, la glande génitale mutilée ou flétrie dans sa forme anatomique, ne saurait accomplir, selon les vues de la nature, la fonction d'ordre supérieur qui lui est dévolue. Et, en effet, chez le fumeur la sécrétion spermatique languit et n'a pas toutes les qualités qui lui sont indispensables pour une bonne fécondation. Au manque d'énergie créatrice de l'organe vient s'ajouter encore la puissance destructive de la nicotine, qui pénètre toute l'économie et exerce une action délétère sur les infusoires de la liqueur spermatique, qu'elle engourdit ou tue, à mesure que la pulpe nerveuse les crée.

    L'impressionnabilité du zoosperme par l'action des poisons a été démontrée par les observations de Prévost et les expériences plus complètes de Wagner; d'où il résulte que l'acide cyanhydrique arrête instantanément leurs mouvements; la strychnine les fait cesser, après leur avoir imprimé une perturbation en quelque sorte convulsive; les solutions d'opium, de laurier-cerise, et, en général, de tous les narcotiques les arrêtent rapidement.

    C'est à l'action stupéfiante ou meuririére de la nicotine sur l'infusoire du sperme qu'il faut attribuer les effets anaphrodisiaques du tabac. Si les fumeurs sont moins enclins au rapprochement des sexes que ceux qui ne fument pas, c'est que, chez eux, la stimulation spermatique ne les y pousse pas autant.

    Le sperme est d'autant plus stimulant qu'il contient plus d'animalcules s'agitant dans sa substance. Ce fait est clairement établi par ce qui se passe aux deux extrémités de la vie génitale de l'homme. Aux approches de lé la puberté, comme à l'entrée dans la vieillesse, la glande séminale secrète une liqueur qui a, en apparence, les qualités du sperme, mais dans laquelle le microscope cherche en vain le spermatozoïde; on ne le rencontre que très disséminé, et comme languissant et étiolé. Dans l'âge mur, au contraire, l'infusoire spermatique est abondant; il se meut et frétille dans la liqueur, comme un banc de poissons dans un lac. Et quand le penchant génital, chez l'impubère et le vieillard, se manifeste par un amour sentimental et platonique, par le lan-

    -16-

    gage des fleurs ou des saillies grivoises, chez l'adulte, au contraire, c'est un besoin impérieux qui commande; et la parole et l'action marchent résolument au but naturel.

    On trouve un autre exemple de co phénomène dans ce qui se passe chez les animaux, dont l'accouplement se fait à des époques déterminées par les saisons. L'état d'excitation génitale que, dans certaines espèces, on appello le rut, se produit quand le zoosperme est créé en abondance par la glande, qui fleurit en quelque sorte, régulièrement, comme le bouton des plantes, sous l'impression vivifiante du printemps. Et lorsque l'époque du rut est passée, le zoosperme ne se retrouve plus, ou n'existe qu'en trés minime proportion dans la liqueur séminale; et les deux sexes vivent, au contact l'un de l'autre, dans une parfaite indifférence génitale.

    Si, chez la généralité des animaux, la faculté d'engendrer est intermittente, chez l'homme elle est continue. Il a en lui toutes les énergies nécessaires pour le rapprochement fructueux des sexes. Dans toutes les saisons, sous tous les climats, à tous les instants de sa vie, depuis la puberté jusqu'à la vieillesse, tout son appareil génital répond à tous ses désirs.

    Ce privilège, l'homme le doit à la prédominance de sa constitution nerveuse qui, chez lui, plus que chez les autres êtres de la création, sécrète largement la vie, et la verse avec profusion aux jouissances fantaisistes de tous ses sens, comme aux méditations profondes de sa pensée.

    Et si, par une cause perturbatrice quelconque, la maladie, la vieillesse, par exemple, la source de vie vient à diminuer, le sens et l'appareil qui en sont les premiers privés sont le sens et l'appareil génital, dont l'existence est la moins indispensable, comme nous l'avons déjà dit, à la conservation de l'individu. C'est un fait que tout le monde peut constater, en observant ce qui se passe en semblables circonstances dans sa propre organisation.

    Nous savons, d'ailleurs, que toutes les fois qu'un principe délétère, un poison, s'infiltre dans l'organisme pour le troubler ou le détruire, une partie proportionnelle de fluide à

    -17-

    nerveux ou de vie vient aussitôt à sa rencontre et se sacrifie pour le neutraliser.

    Et, par toutes ces considérations, nous arrivons à conclure que la nicotine ne se détruit, chez le fumeur, qu'au détriment, en première ligne, de ses facultés génératrices.

    Ainsi s'expliquent ces grands faits contre nature que signalent les statistiques et dont sont témoins les doyens d'âge de nos sociétés modernes:

  • la décroissance de la population;

  • la diminution des mariages, leur peu de fécondité ou leur stérilité absolue; la mortalité des enfants en bas âge;

  • l'impuissance, relativement grande, des mères à arriver au terme de leur gestation utérine,

  • et toutes les circonstances graves qui résultent, pour les femmes, de ces avortements souvent répétés.

  • On entend souvent dire par des moralistes:

    «Si nos femmes sont stériles, c'est que, pour se soustraire aux charges de la famille, elles mettent en pratique des manœuvres qui blessent la dignité humaine, le sentiment moral et religieux, et que punit la loi.»

    Non, ce n'est pas la faute de la mère qui le porte, si l'embryon n'arrive pas au terme de son évolution naturelle, et s'il meurt avant le neuvième mois de sa vie intra-utérine; c'est

  • la faute de l'embryon lui-même,

  • la faute du zoosperme d'où il dérive,

  • ou mieux, la faute du père qui l'a créé.
  • Les rares infasoires que le microscope nous montre s'agitant mollement dans la liqueur séminale des fumeurs, ont subi, comme le fumeur lui-même, la dépression narcotique que le tabac a exercée sur eux.

    Dans ces conditions de faiblesse, ils arrivent à l'ovaire, descendent dans l'utérus avec l'œuf auquel ils se sont greffés. Ils vivent; mais ils sont frappés mortellement dans leur essence, comme ces fruits que le brouillard a touchés au moment de leur fécondation, qui tiennent encore à la tige qui les supporte, y grossissent un peu, y meurent de langueur, et puis tombent.

    Voilà tout le secret de ces avortements si fréquents qui

    -18-

    désolent les mères et portent une atteinte si profonde à leur constitution. Qu'on n'en cherche pas la cause ailleurs que dans la non-viabilité d'un germe imparfait; comme la nonviabilité du petit être qui sort de la vie utérine pour entrer dans la vie réelle, est cause de la grande mortalité des enfants en bas âge.

    Les femmes ue sauraient donc trop protester contre des faits coupables dont on les accuse beaucoup trop légèrement; et la science doit les défendre contre ces calomnies imméritées, en remontant à la source réelle de tous ces accidents qu'on leur attribue.

    Quelque démoralisée que soit une civilisation, il est de ces instincts naturels que rien ne peut détruire, et l'instinct de la maternité est l'un des plus vivaces. Il domine souvent l'instinct de la conservation. La femme, par nature, aime le fruit qui la féconde. Du jour ou le germe en a été déposé dans son sein, il constitue une partie d'elle-même, et son instinct lui commande de le conserver autant que sa propre existence.

    L'avortement, les hémorrhagies, les fausses grossesses, les polypes, les engorgements, les ulcérations, les cancers de l'utérus, qui, de nos jours plus que jamais, désolent l'existence des femmes, voilà la triste part de tribulations que leur donne souvent la fécondation par des germes altérés par la nicotine.

    Et comme si ce n'était pas assez de tant de souffrances physiques imméritées, la grande erreur des hommes, dans l'usage du tabac, leur laisse encore la douleur morale de voir s'éteindre dans leurs premières années un grand nombre de ces enfants qu'elles avaient réussi à sauver des dangers de la vie utérine, et que tous leurs soins demeurent impuissants à faire prospérer et grandir, parce qu'un poison les a frappés mortellement aux sources les plus profondes de la vie, dans l'organe génital du père.


    IV

    Après celle digression sur les conséquences éloignées que peut avoir le tabac sur la santé de la femme fécondée par les

    -19-

    germes imparfaits des nicotines, revenons aux affections directes que la panacée de la reine Catherine produit sur l'individu, et dont la nomenclature semble être inépuisable.

    On ne peut pas dire que l'altération de la glande séminale et du zoosperme qu'elle sécrète ait une conséquence directement fâcheuse pour l'individu, puisqu'il peut vivre en santé, comme l'eunuque privé du sens et des organes de la génération. Cette altération n'est désastreuse que pour l'espèce, qui dégénère et s'étiole par la défectuosité de sa provenance.

    Mais la gravité, pour l'individu, de l'action du tabac sur les organes génitaux git plus particulièrement dans l'effet de ce narcotique sur la vésicule séminale.

    La vésicule séminale est, comme nous l'avons dit, une petite ampoule chargée de tenir toujours en réserve, pour les besoins de la génération, une certaine quantité de liqueur fécondante que lui apporte la sécrétion lente, mais continue, de la glande génitale. Cette liqueur précieuse, que crée l'économie, aux dépens de toutes ses énergies, ne peut être répandue à profusion, pour quelque but ou par quelque cause que ce soit, sans jeter l'homme dans un affaissement physique et moral dont les retours, fréquemment répétés, altèrent profondément son existence.

    L'abus des plaisirs vénériens, les pratiques solitaires de l'onanisme, sont des actes contre nature regrettables, sans doute; mais la volonté et la raison peuvent les maîtriser. Aussi leur gravité n'a rien de comparable à celle des pertes séminales, qui sont involontaires.


    La spermatorrhée ou l'impuissance organique de l'homme à conserver en lui sa liqueur séminale, est une des infirmités les plus communes de notre époque. Les médecins, Lallemand, entre autres, la signalèrent comme une maladie digne de fixer leur attention, dans le même temps à peu près que l'usage du tabac entrait résolument dans nos habitudes. Depuis lors, elle s'est répandue proportionnellement au crédit dont a joui, parmi nous, la prétendue panacée des Indes.

    -20-

    Cette coïncidence d'apparition et de progression tendrait déjà à faire croire qu'il y a, entre ces deux événements, un rapport de causalité intime, et que l'usage du tabac doit avoir la plus grande influence sur la production de cette infirmité. Cette opinion, conçue a priori, se confirme quand on examine, dans son organisation anatomique et dans sa fonction physiologique, la vésicule séminale, qui est le siège de l'affection.


    La vésicule séminale est un petit sac oblong, de forme olivaire, a doux ouvertures. L'une, toujours béante, reçoit le sperme que la glande séminale lui envoie, l'autre ouverture communique avec le canal èjaculateur. Un sphincter ou petit muscle annulaire, fort résistant, analogue à celui du col de la vessie, ferme cette ouverture. C'est la digue naturelle qui s'oppose a l'émission permanente de la liqueur spermatique.

    Dans ce petit canal, dû quelques centimètres de longueur, réside tout ce que l'organisme a de plus parfait, de plus élevé dans la sensibilité et dans la vie. C'est dans son trajet que se produisent, au passage du sperme, ces sensations sans égales en nous, qui sont parfois si vives, qu'il n'est pas rare qu'elles foudroient l'homme par une apoplexie de jouissance et de bonheur, et le fassent mourir au moment même où il va donner la vie à un nouvel être, dans les étreintes voluptueuses de l'amour.

    A cette fonction naturelle, d'ordre supérieur, puisqu'elle opère la reproduction perpétuelle de l'espèce, préside une force nerveuse toujours on action. Pour elle, pas de repos, pas de sommeil; il faut qu'elle tienne constamment fermé ce petit sphincter, par où s'écoulerait rapidement la vigueur, même la vie de l'homme, si l'on pouvait supposer qu'il soit toujours ouvert.

    Mais cet organisme spécial a, comme tous les autres, ses énergies et ses défaillances, et il subit toutes les influences qui agissent sur l'innervation en général. Il faiblit dans toutes les circonstances où le fluide nerveux s'use, chex l'in

    -21-

    dividu, en des proportions qui ne sont pas habituelles. Aussi les pertes séminales sont-elles très fréquentes chez les hommes, surtout chez les jeunes gens, absorbés par l'étude. Elles sont aussi fort communes chez les sujets qui ont subi de grandes fatigues corporelles ou de profonds chagrins; toutes causes qui usent largement le principe de la vie.

    La spermatorrhée est la dégradation la plus pénible que le tabac puisse amener chez l'homme, celle qui tourmente le plus une existence dont elle abrège inexorablement la durée.

    Vous reconnaîtrez ses victimes à leurs chairs flétries, à leur face mélancolique et blême, à leurs yeux caves, cherchant à cacher sous les arcades de leur orbite une expression d'humiliation qu'ils ne peuvent pas maîtriser. Il leur semble que chacun lit sur leurs traits les sentiments qui les attristent, et qu'on attribue leur affaissement physique et moral à des habitudes solitaires dégradantes; car ils ont on eux tous les symptômes de l'onanisme.

    Parmi les cas fréquenta de cette maladie désespérante, je rencontrai, dans ma pratique, un de ces jeunes hommes dont l'histoire est le tableau à peu près uniforme de tous ceux qui sont en proie à la même affection.

    Son père était un officier supérieur de l'armée, qui avait passablement sacrifié au culte du dieu Tabac. Le fils n'en avait pas reçu de lui, pour cela, une constitution des plus fortes. Il n'avait pas eu, dans sa première jeunesse, ni les dispositions naturelles, ni une volonté bien résolue pour les études sérieuses. Il se fatigua longtemps, et sans succés, pour acquérir l'instruction réglementaire d'un candidat à l'Ecole polytechnique. Il ne put pas davantage arriver à aucune autre carrière publique où l'on entre par l'examen ou le concours. On le fit bureaucrate.

    Il s'était adonné très jeune à l'usage du tabac, qui avait contribué pour beaucoup à engourdir son intelligence, jusqu'à la fermer à la pénétration fécondante de l'étude. Quand ses condisciples, aux heures des récréations, puisaient dans les jeux de leur âge une vigueur corporelle et une gaieté d'esprit qui les aidaient à supporter les fatigues

    -22-

    et les ennuis de l'étude, il se dérobait dans les lieux les plus cachés à la surveillance, pour absorber, à la hâte, quelques bouffées de fumée de tabac.

    Pour fumer, à seize ans c'était un homme; mais, pour le développement de l'intelligence et des facultés physiques, à dix-huit c'était presque un enfant, tant chez lui la puberté, entravée par l'usage du tabac, fut longue à faire son évolution. Il avait près de vingt ans quand il sentit naître en lui les facultés sexuelles que la nature commence a développer à quinze ans chez l'adolescent.

    «E..., lui dit un jour son père, tu n'es pas sage; tu te livres à dû mauvaises habitudes; tu perds, dans des attouchements que la nature et les mœurs réprouvent, toutes les forces qui sont en toi pour devenir un homme.

    —Tu profanes, dans des impuretés, ce qui n'appartient qu'à la vie conjugale et qui ne doit hervir qu'à créer la famille, qui en fait toutes les joies.

    —Si tu continues, mon enfant, dans ces habitudes vicieuses, crois-en ton père: Celui qui seul te voit, quand tu te caches pour te livrer à cette dégradation.

    —Dieu te punira; tu mourras avant que le temps soit venu pour toi de commencer à vivre.»

    À cette brusque admonition du colonel, E... ne put retenir de ses yeux quelques larmes. Son père l'accusait de faiblesses qu'il n'avait pas, de mauvaises habitudes auxquelles il ne s'était jamais livré. Il avait la conscience de la pureté de ses mœurs, et pourtant il se sentait s'affaiblir de jour en jour, sans en connaître la cause intime. Et il avait de ces pressentiments vagues qui font qu'à son âge bien des jeunes gens maladifs désespèrent de la vie, et se croient condamnés à une mort prématurée, par complexion défectueuse des poumons.

    Il se rangeait avec résignation dans cette classe intéressante de jeunes malades qu'on appelle les poitrinaires.

    On consulta la science. Là, tout s'expliqua. E... n'était point poitrinaire; il n'avait qu'une incontinence de sperme, où sa volonté n'était pour rien. Mais la cause première de la maladie, l'usage du tabac, dont on ne se défiait pas alors

    -23-

    assez, avait passé inaperçue dans l'examen du docteur, un de ces bons majors, qui n'était pas le dernier à donner l'exemple de fumer à son jeune malade. Et E... fumait toujours, dans la folle pensée qu'une chose forte, comme le tabac, ne pouvait manquer de le rendre fort lui-même, s'il en usait beaucoup. Pauvre garçon! il raisonnait comme font tous les enfants de son âge!

    E... épuisa à se soigner tout ce que la médecine emploie contre cette fatale maladie: médication tonique, douches froides, cautérisation du col de la vessie, électricité; tout cela ne lui procurait que des soulagements passagers.

    Toujours à la recherche de sa guérison, qu'il ne trouvait nulle part, il avait atteint sa vingt-cinquième année, âge où les familles aiment à voir établir leurs enfants. S'il avait été libre de ses volontés, il aurait penché beaucoup plus pour le célibat que pour le ménage; mais on le maria, par une de ces spéculations égoïstes qui font regarder souvent le mariage comme un remède à donner a des organes imparfaits ou à des sens en délire. Coupable abus dû confiance, où deux êtres enchaînent mutuellement leur existence, quand l'un a la conviction qu'il n'apporte pas à l'autre des qualités qui sont dans le but de la nature, et qui n'ont d'autre appréciateur que sa conscience.

    On ne peut pas dire pourtant que E... se trouvait hors la loi du mariage; son organisation lui semblait encore assez forte pour répondre à l'ardeur de ses désirs d'époux. Mais il est, dans les scènes intimes de l'alcôve, des moments d'émotion qui amènent parfois des défaillances, où l'organisme énervé du malheureux jeune homme ne manquait jamais de tomber.

    Les nouveaux conjoints vivaient dans un pays d'où n'ont point encore disparu les superstitions et les légendes mystiques des vieux temps.

    Quand on sut, dans la famille de la jeune femme, comment se comportait l'époux, on ne vit dans tout cet accident qu'un effet de plaisanterie ou de malveillance, œuvre d'un enchanteur ou d'un sorcier.

    -24-

    La mésaventure du mari de mademoiselle *** devint bientôt la causerie a sensation de la petite localité. E..., fatigué d'une position qui n'était plus tenable, en face d'un public qui s'occupait ainsi de lui, entreprit un voyage de santé. Il se promena longtemps, en compagnie de sa jeune femme, dans les stations de bains les plus réputées pour réconforter les constitutions débiles. Il y chercha en vain un soulagement à une infirmité devenue irrémédiable.

    Abandonné par la médecine, qui ne lui proposait rien moins que l'ablation des glandes génitales, comme cure certaine de la spermatorrhée qui l'épuisait sans cesse, il se jeta, sous l'impulsion de sa belle-mère et de sa femme, qui le croyaient toujours sous le charme d'un sort, dans les pratiques les plus extravagantes de la sorcellerie.

    Il avait alors trente ans, et il no passait guère de jour que l'idée du suicide ne vint assiéger sa conscience, comme un moyen de rendre la liberté à cette jeune femme enchaînée à son existence et à son malheur par la loi, le respect humain et la vertu. Innocente victime qui avait cru prendre en lui un amant, un époux, et qui n'y avait trouvé tout au plus qu'un frère, un infirme, un fardeau.

    Mille sentiments se heurtaient dans cette âme affaiblie par la langueur. Tantôt c'était un remords d'avoir contracté ce mariage, pour lequel il aurait dû comprendre qu'il n'avait pas toutes les conditions requises; tantôt c'était la sombre jalousie qui lui faisait douter de la pureté de l'attachement de la malheureuse femme, dont la vie se passait à nourrir en lui des espérances pour un avenir meilleur.

    Dans ce courant d'émotions, trop fortes pour son cerveau ramolli, sa raison se perdit, et le pauvre aliéné dut traîner, pendant plus de dix ans encore, sa misérable existence dans un de ces asiles que la pitié publique ouvre à toutes les dégradations mentales, et qui cachent aux regards du monde tant de victimes que fait tous les jours le tabac.

    Ah! si les médecins pouvaient révéler toutes les confidences qui leur sont faites en semblables matières, que de pièces

    -25-

    accablantes viendraient grossir le dossier de l'accusation, dans le procès du tabac!

    Mais, sans jeter un regard indiscret dans l'intimité des ménages, dont un trop grand nombre ressemblent à celui dont nous avons entr'ouvert l'alcôve, constatons ce qui se passe sous les yeux de tout le monde; examinons quels sont, de nos jours, les rapports de l'homme à la femme dans la société.


    V

    Ceux qui peuvent, comme nous, remonter par la mémoire au bon vieux temps du commencement du siècle, se rappelleront qu'il y avait alors un foyer de famille dont les femmes étaient l'âme, le centre d'attraction. Dans toutes les classes de là société, depuis la chaumière jusqu'au palais, on se réunissait, on se fréquentait; et le but de ces soirées, où se confondaient dans une même gaieté les membres de la famille, les intimes elles étrangers, était toujours de rapprocher, sous les yeux des parents, de beaux jeunes gens et de gracieuses jeunes filles, qui devaient plus tard devenir des époux.

    C'était la vie sociale dans tout son naturel, son charme et son entrain; l'ingénuité, l'esprit, l'art y brillaient sous l'aiguillon puissant du désir de plaire.

    L'amour était constamment de la partie; en vain on aurait voulu le désarmer ou lui lier les ailes: l'enfant terrible, fier de la puissance de sa flèche, se glissait partout. C'est qu'il n'avait pas encore trempé trop avant ses lèvres à la coupe de la Priapée, ce narcotique breuvage au tabac, où les moines d'Italie le grisaient, pour l'endormir, afin qu'il ne vînt pas troubler le sommeil de leurs sens.

    Si l'on compare ce temps passé à celui où nous vivons, on verra quel changement s'est opéré dans nos mœurs sociales depuis un demi-siècle. Aujourd'hui, les hommes vivent dans •un éloignement de la femme qui semblerait vraiment affecté, tant il est contre nature, si l'on n'en trouvait pas la cause dans le sentiment d'égoïsme qui les domine, par suite de l'effacement de l'amour.

    -26-

    L'égoïsme, en effet, sépare les êtres autant que l'amour les rapproche.

    Nous avons dit plus haut que l'amour était la qualité la plus pure de l'homme, celle qui semblerait le plus, dans sa nature, être d'essence vraiment divine: l'amour qu'il sent venir en lui quand il devient pubère, à la naissance de ses facultés génératrices, et qui s'en va à la vieillesse, quand ces mêmes facultés s'éteignent.

    On pourrait le définir le parfum qui s'exhale de l'homme et de la femme, en fleur pour la génération.

    Mais si cette floraison de l'homme, comme la floraison des plantes (j'insiste sur cette comparaison, car dans la nature tout se ressemble), si cette floraison, dis-je, rencontre, tant qu'elle dure, un élément qui la stérilise, comme le brouillard des nuits stérilise la fleur; de même que la fleur stérilisée s'étôle sans parfum, l'homme à la floraison perturbée s'étiole sans amour.

    Eh bien! la floraison de l'homme, dans ses habitudes actuelles, s'étiole dans les fumées narcotiques du tabac. Voilà la cause de son indifférence sexuelle, de son égoïsme, de son manque d'amour.

    L'homme fuit la compagnie de la femme, il est indifférent à l'attraction de ses charmes, parce qu'il sacrifie trop souvent à sainte Priapée des anciens religieux d'Italie, parce qu'il passe ses journées et ses nuits à se saturer de la célèbre panacée de la reine Catherine qui, si elle n'a plus, de nos jours, le précieux privilège de guérir tous nos maux, a sûrement pour effet de nous préserver, de nous guérir même de l'amour.

    Aujourd'hui, les estaminets, les clubs, les cercles font concurrence aux salons de famille. Et, tandis que ces établissements publics, ou de forme plus ou moins privée, regorgent de clientèle ou d'abonnés, le foyer domestique est solitaire. Le père l'a quitté, les fils l'ont quitté, pour aller, chacun de son côté, chercher dans la compagnie des hommes, dans l'ivresse du tabac, et bien souvent de l'alcool, des dis-

    -27-

    tractions qu'ils ne savent plus rencontrer auprès de réponse et des filles, de la mère et des sœurs.

    Les jeunes gens se mêlent à la vie des salons bien plus par convenance et par devoir que par attrait. Longtemps, pour s'en éloigner, ils ont eu un prétexte; on les entendait' entre eux souvent dire:

    «Les soirées de Mme X... sont sciantes, on n'y fume pas!»

    En effet, il faut rendre cette justice aux dames; elles ont lutté tant qu'elles ont pu contre l'envahissement contagieux de la laide habitude du tabac. Elles ont longtemps boudé contre ces courtisans ou ces adorateurs, qui venaient mêler aux parfums de leurs salons les émanations nauséabondes de leurs chiques, de leurs cigares et de leurs pipes.

    Ce fut alors une véritable conspiration de la puissance de la volonté de l'homme contre la faiblesse de la femme. Les dames ont cédé, par ennui de l'existence sans la société des hommes. Les hommes, par contraire, on compagnie d'une pipe ou d'un cigare, dont ils humaient nonchalamment la fumée, se passaient volontiers du besoin de sentir autour d'eux le frou-frou électrique de la toilette des femmes.

    C'est par cette ruse de guerre que le tabac entra forcément dans le bon ton.

    Si l'amour, les jeux, la danse, avaient leur salon dans le monde élégant, le dieu des Peaux Rouges d'Amérique voulut aussi y avoir le sien; et pour lui on créa les fumoirs.

    Le fumoir s'impose sous les lambris dorés de l'Opéra, comme sur les trains roulants des chemins de fer; il est devenu le complément obligé d'un appartement réputé convenable. Il faut que l'architecte, dans chaque logement, trouve la place d'un fumoir. Et il ne faut pas le reléguer dans les parties les moins nobles du logis: il veut une place d'honneur, dans le voisinage de la salle à manger et du premier salon. Dans les ménages qui n'ont pas le privilège d'un local à fumer spécial, le fumoir est par toute la maison.

    Les dames ont fait aux hommes la concession du fumoir et ont pu, par là, en retirer quelques-uns de l'estaminet et du cercle, pour les ramener au salon de compagnie; mais ce

    -28-

    n'était la qu'une demi-conquête. Avec le fumoir, si voisin de la salle de conversation ou de danse, elles pouvaient posséder parfois la personne de ces messieurs; mais elles étaient loin d'avoir ce que beaucoup d'entre elles auraient désiré fixer: leur cœur.

    Ces beaux jeunes gens toilettés se trouvent mieux à l'aise au fumoir, où ils rivalisent, entre eux, de grâce à faire onduler de la fumée. Là, chacun étale sa petite coquetterie dans le genre. Là, l'élégance est muette. Il n'est pas nécessaire de se mettre en frais d'amabilité ou d'esprit, comme dans la société des dames.

    Dans une société ainsi composée, tout est étiquette, tout est guindé, tout est froid, car il n'y a pas d'amour. Aussi, les rôles paraissent-ils avoir changé. Ce ne sont plus les hommes qui font la cour aux femmes: ce sont les jeunes filles qui luttent d'amabilité et de grâce, à la conquête des maris. Et, si quelquefois elles pensent avoir remporté une victoire sur un indifférent, si elles croient avoir allumé dans son cœur cette sympathie d'amour dont elles sentent elles-mêmes la douce puissance, elles s'abusent; car, bientôt, celui dans lequel elles aimaient à rêver, dans l'avenir, un mari, les délaisse et s'éloigne, sans comprendre la pureté du sentiment qu'il a pu inspirer, et l'abime de douleur qu'il a ouvert dans une âme désormais malheureuse.

    Et l'on attribue cette indifférence de l'homme pour la femme, cet éloignement qu'il a pour le mariage, à un calcul de spéculation de sa part! On dit:

    «Les hommes ne se marient plus aujourd'hui, parce qu'ils sont effrayés des dépenses du ménage, de la charge coûteuse d'élever des enfants; et le seul entretien de la toilette d'une femme absorberait toutes leurs ressources pécuniaires.»

    Toutes ces allégations ne sont que des erreurs; ne prêtons pas à l'homme, comme raison de s'éloigner du mariage, ces calculs de prévoyance, qu'il ne fait pas: ce n'est pas l'intérêt qui l'arrête dans l'idée de se créer un chez soi, un coin de feu, une famille, des joies pour l'avenir.

    -29-

    Comme nous l'avons déjà dit, le sentiment de la famille, le besoin inné de se continuer, par elle, dans le temps, en perpétuant l'espèce, émane de l'amour, qui n'est rien autre chose que l'expression physiologique du sens génital. Or, c'est ce sens qui s'endort le plus dans les vapeurs stupéfiantes du tabac. Et c'est le zoosperme engourdi, c'est le désir éteint, c'est rabaissement de l'homme vers l'êtât d'eunuque, par la nicotine, qui le rendent indifférent pour la femme.

    Ah! s'il l'aimait dans toute la liberté, dans toute l'indépendance de ses sens, comme la nature le pousse à l'aimer; si le tabac ne venait pas tempérer ou détruire ces élans de l'organisme, comme la digitale tempère ou détruit les mouvements du cœur, comme l'opium alourdit ou enchaîne la pensée, est-ce que tous les calculs de l'intérêt et de l'égoïsme seraient assez puissants pour étouffer en lui la passion?

    Ce besoin d'aimer et d'être aimé brise les raisons les plus ferres, quand on ne peut arriver à posséder, en l'attachant pour toujours à son existence, l'être dont un regard, un charme entrevu, vous brûlent de désir et d'amour. Cette passion instinctive, assez forte pour conduire à la folie et au suicide, pourrait-elle, si elle existait, se refroidir à l'idée d'un mariage qui est le seul but auquel elle aspire?

    L'indifférence des jeunes gens et des hommes mûrs pour les réunions que pare et qu'anime la société des femmes est si grande, les salons de compagnie sont si déserts, que les mères de famille, qui aiment à voir la jeunesse s'agiter autour d'elles en signe de vie, ont créé les bals d'enfants.

    Là, de tous petits garcons cultivent, par leurs assiduités et leurs prévenances enfantines, de belles petites filles que les parents ont déjà désignées à l'innocence de leurs convoitises et de leurs espérances d'avenir.

    Nous n'appellerons pas de l'amour tous ces enfantillages, entre ces êtres ingénus et candides qui, pour la plupart, ne voient entre eux d'autre différence que celle du vêtement qui cache leur sexe. Et pourtant, il y a déjà quelque chose qui fait que les petits garçons recherchent la société des petites filles. Des préférences, des sympathies s'établissent

    -30-

    entre les deux natures. Ce qui n'était qu'affinité se change en douce rêverie, quand l'enfant se transforme en adolescent; ce qui était rêverie, devient amour, quand l'adolescent se fait adulte et homme, quand il sent, dans la profondeur de son organisme, qu'il est mûr pour une nouvelle fonction, à laquelle la nature le convie: la génération.

    Pour ce grand acte, qui est la chaine sans Fin de l'humanité, l'organisme de la femme suit la même évolution que celui de l'homme, et, comme l'homme, elle se laisse aller, par une pente dont la douceur lui ôte toute résistance, vers une union qui est la source de toute vie.

    Mais, avant que cette union s'accomplisse, il faut qu'il sétablisse, entre ces deux êtres que des rapports sociaux ont fait se rencontrer, un courant de sympathie, une affinité vitale, disons le mot, un charme qui les séduise l'un et l'autre, jusqu'à confondre, par le mariagê, leurs deux existences en une seule, l'homme-femme qu'a compris Dumas, d'où doit sortir la famille.

    Cette fascination, ce charme, cet amour viennent du désir de se posséder l'un l'autre, qui, lui-même, émane de l'appareil génital, comme l'appétit émane de l'estomac avide de posséder l'aliment. Là où l'appareil génital manque, là où il est flétri, il n'y a pas de désir, là où il souffre, le désir languit, le charme est incomplet, et l'union n'a plus que de faibles raisons d'être.


    VI

    Après ces réflexious physiologiques sur les causes naturelles et attractives du mariage, revenons aux salons de compagnie, qui sont les centres les plus ordinaires où naissent les liaisons conjugales.

    Ces petits garçons, ces jeunes filles que nous avons vus sautiller dans les bals d'enfants, après avoir suivi, chacun de son côté, la route qui les fait passer, par l'éducation et avec le temps, de l'enfance à la puberté, se rencontrent encore dans le monde.

    -31-

    Les jeunes filles sont devenues nubiles; les jeunes gens ont des positions qui leur permettent de songer à s'établir et à devenir des chefs de famille. Il s'agit, quand on se retrouve après une si grande métamorphose, de reprendre et mener à bonne fin les liaisons qu'on avait commencées quand on était enfant.

    Voyez, dans ces réunions, combien les jeunes filles sont belles de leur fraîcheur et de leur pureté. Leurs charmes, cachés comme des sensitives sous la gaze de leur toilette, n'attendent, pour s'animer, que le souffle d'un désir. La frivolité de la danse les jette tout émues dans les bras d'un jeune homme; et quand la musique les entraîne, elles sentent une main serrer leur main, un regard rencontrer leur regard. Et c'est de ce contact intime, de ce langage muet, que naissent la fascination, le magnétisme des sens, l'amour.

    Après le bal, la jeune fille, qui, auparavant, était indifférente et rieuse, devient mélancolique et distraite; elle rêve. On dit alors que son cœur a parlé. Disons, nous, que, chez elle, c'est tout un appareil organique, un sens qui se révèle. Elle comprend qu'elle n'est que la moitié d'une unité dans laquelle sa nature intime la pousse à se confondre. Elle rêve un époux, comme complément de son être; et celui que poursuit sa rêverie est l'homme dont la fascination l'a émue dans rimpressionnabilité profonde de tous ses sens.

    Pauvre jeune fille! par tout ce qu'elle éprouve, dans sa nature sensible, elle juge de ce que doit éprouver aussi pour elle l'homme qui l'a charmée, et, dans sa passion naïve, elle se dit:

    «S'il m'aime comme je l'aime, il m'épousera!... »

    Et elle espère.

    Mais cet homme a vingt-cinq ans; depuis l'âge de dix-huit ans, il dessèche son organisme aux vapeurs stupéfiantes de la Priapée, et, pour empêcher sa vigueur primitive de s'affaisser sous la fumée du tabac, il stimule, par les boissons spiritueuses, la nausée de son estomac, l'indolence de son cerveau, l'abattement de son activité physique.

    Dans une lutte incessante de la nicotine et de l'alcool, ces deux poisons de l'existence humaine, qui se recherchent

    -32-

    toujours pour s'atténuer, sans jamais se détruire l'un par l'autre, il a perdu toutes les énergies les plus vives de son âge. Entraînement des sens, exaltation du désir, tout est calme chez lui. Il regarde avec indifférence tout ce que la grâce, l'ingénuité ou la coquetterie rendent le plus séduisant dans une nature de femme...; il est blasé, c'est le mot.

    Il le proclame lui-même, pour se donner une apparence de philosophe ou d'homme fort ; car il n'a pas conscience de sa position dégradée en animalité.

    Il est blasé! c'est-à-dire qu'à vingt-cinq ans il est arrivé, pour les sensations naturelles et intimes, au terme qu'il n'aurait dû atteindre qu'à cinquante. Chez lui, la glande séminale est paresseuse dans son travail de sécrétion; le zoosperme qu'elle crée est engourdi, malade, nicotiné. Il ne titille plus, par la vivacité de ses mouvements, les nerfs de la sensibilité sexuelle; il no pousse pas l'homme à la recherche de l'élément féminin, dans lequel il doit se confondre en unité, pour compléter le but de la nature, la première des obligations qu'elle impose: la reproduction.

    Faites donc un mariage avec des éléments si disparates! Le désir et l'attraction d'un côté, l'indifférence et l'éloignement del'autre.

    Notre jeune homme n'est pourtant pas tellement blasé qu'il ne sente parfois quelques velléités d'union qui le poussent à faire sa cour à celle qui a attiré sa pensée. Il la recherche, il la visite. Après de longues heures passées à côté d'elle, dans la causerie du salon ou dans l'animation du bal, il sent que sa compagnie n'est pas sans attrait et que ses charmes ont sur lui de la puissance: il se ravise. Il lui semble qu'il l'aime, et il s'avance jusqu'à le lui faire comprendre ou à le lui dire.

    Nos deux amants se séparent et vont se résumer, dans la solitude de leurs rêveries, les émotions delà soirée.

    Oh! que cette jeune fille est heureuse! Elle ne dit plus, comme aux premiers jours de leur rencontre:

    «Ah! s'il m'aimait!»

    Elle s'affirme à elle-même qu'elle est aimée, et elle s'endort au milieu des illusions d'une union prochaine.

    -33-

    Le jeune homme, lui aussi, songe à sa belle; mais à côté du besoin de rêver, un besoin plus impérieux le possède: c'est celui de fumer. De toute la soirée, il n'a pas serré dans ses dents la belle pipe blonde, en écume de mer, à la culotte noire, qu'il avait délaissée, pour le bal, au râtelier de la cheminée de sa chambre à coucher. Et, quand son cœur est tout entier à l'objet de ses pensées, dont les charmes le fascinent encore, ses doigts sont à sa pipe; ils cherchent le tabac, ils chargent le brûloir, l'allument, par ces mouvements automatiques si particuliers aux fumeurs.

    Il fume: il est heureux.....


    Le voyez-vous, étendu sur sa couche de garçon, le coude sur son oreiller, la tête appuyée sur la main? Ses pensées intimes vont à la rencontre de celles de la femme qu'il aime; elles pénètrent dans ce charmant boudoir, dans cette séduisante alcôve où l'on ne peut arriver que comme époux. Ses sens s'agitent, ses désirs s'éveillent, il veut se marier; il se mariera, car c'est le seul moyen de posséder cette femme.

    Et, tout en cherchant à affermir enluitoutes ces volontés, il tire avidement de sa pipe de longues bouffées; il se plonge dans la fumée narcotique du tabac, comme dans les brouillards d'un nouveau Léthé; il oublie la pauvre femme qui rêve d'amour pour lui, et, quand il a aspiré la dernière vapeur du culot de sa pipe, il sort comme d'un sommeil léthargique et se dit:

    «Décidément, je m'abusais, elle est insignifiante, elle ne m'inspire rien; je ne l'épouserai pas, car je ne l'aime pas.»

    Que s'est-il donc passé entre la première et la dernière bouffée de fumée tirées de cette pipe magique, qui a fait changer, en moins d'une heure, des résolutions qui paraissaient si solidement arrêtées? La Priapée avait produit, sur notre amoureux d'un moment, l'effet qu'elle produisait sur les moines d'autrefois: elle avait posé son éteignoir de glace sur cette flamme de désirs qui agitait les sens de notre prétendant au mariage. Avant la pipe, il aimait; après la pipe, il n'aimait plus; c'est-à-dire que la pipe avait engourdi ses

    -34-

    sensations génitales d'où dérive l'amour, comme l'opium, le chloroforme ou l'éther insensibilisent le nerf d'où dérive la douleur.

    Voilà comment tant de vieux garçons ont passé leur jeunesse à quitter et reprendre sans cesse des projets de mariage qu'ils ne menaient jamais à fin, cherchant de belle en belle des charmes assez puissants pour réveiller leurs sensations obtuses et blasées! Voilà la raison vraie pour laquelle les mariages sont presque une rareté de nos jours, tant le tabac déprime ou éteint le sens génital chez l'homme.


    Tous ces hommes, qui sont loin de se douter que c'est par dégradation de leur nature bien plus que par contrainte volontaire qu'ils vouent leur vie au célibat, ont parfois des velléités de s'écarter de l'austérité de leurs résolutions et de leurs principes. Et s'ils ne se sentent pas des facultés assez ardentes ou des goûts assez prononcés pour avoir une épouse à eux seuls, attachée à leur intérieur et à leur destinée par les sentiments du cœur autant que par les liens sociaux, ils se laissent volontiers aller à la fantaisie, peu digne, de la communauté de la femme.

    De là vient cette grande lèpre sociale de la prostitution, aussi dégradante pour l'homme qui la sollicite que pour la femme qui s'y abandonne.

    L'éloignement de l'homme pour le mariage laisse dans le célibat des quantités sans nombre dejeuùes filles, qui auraient fait de ravissantes épouses et d'excellentes mères. Beaucoup d'entre elles, ne pouvant s'attacher aux hommes, qui les dé daignent elles délaissent, se laissent aller à des amours mystiques, qui les poussent à la vie contemplative de l'église ou du cloître, où elles épanchent tout leur besoin d'aimer en Dieu.

    D'autres, à la nature plus ardente et aux résistances plus faibles, rencontrent sur leur route de ces hommes dont la constitution usée et le cœur desséché par le narcotisme ne leur donnent, en échange du sacrifice de leur vertu et de leur pureté, que des amours de caprice et de passage, dont la souillure empoisonne toute leur vie.

    -35-

    Car, déchues par une première faute dans leur moralité, devant leur conscience et dans l'opinion du monde, elles quittent le toit paternel, où elles ont laissé une tache; et s'en vont bien loin, dans des quartiers ou des villes retirés, cacher leur nom, leur famille, et se perdre dans cette communauté d'hommes et de femmes de la rue, où la femme ne s'appartient plus, où elle est propriété publique, la chose de tout débauché qui la veut, pour la satisfaction passagère d'un besoin perverti, toujours sous l'œil de la police qui la surveille, pour modérer les écarts de sa dégradation et de son libertinage.

    C'est le sort que l'indifférence des hommes fait, surtout dans les grandes villes, à des milliers de femmes dont la jeunesse se passe à exciter, parles provocations les plus sensuelles, tous ces réfractaires du lien conjugal dont la vie nomade erre, en compagnie d'un cigare ou d'une pipe, de l'estaminet au boulevard, du boulevard au café chantant, du café chantant à la retraite solitaire et enfumée du vieux garçon.

    Là, la femme est partout sur leurs traces; le soir, dés que la nuit tombe, elles quittent leurs retraites et grouillent au milieu d'eux comme des sirènes, étalant, pour les tenter, tous les arcanes de la séduction.

    Dans ces marchés d'amour en plein vent, ce qui frappe d'abord l'observateur qui jette sur toutes ces immoralités un regard de penseur, c'est l'indifférence avec laquelle les fervents du tabac accueillent les agaceries de tant de jeunes et belles filles, qui s'asseoient à leurs côtés, conversant avec eux, mettant à leur disposition tout ce que Dieu leur avait donné pour des amours moins vulgaires et plus chastes.

    Qu'on ne croie pas que cette indifférence vienne d'un sentiment de pudeur ou de moralité. Si le sens génital n'était pas engourdi chez tous ces hommes qu'elles provoquent, on ne verrait pas tant de ces malheureuses quitter à regret le boulevard, à minuit, et rejoindre, parles rues écartées, leurs modestes garnis, où elles rentrent toutes seules, pour y rêver sur les duretés du temps, la froideur et l'avarice des hommes. Car, le plus souvent, pas un ne s'est offert à payer

    -36-

    la consommation que, pour mieux les tenter, elles ont prise a leur côté ou à la table la plus voisine, au café.

    Dans quelques régions de ce monde interlope, certaines reines de boudoirs à la mode, connaissant le côté faible de la clientèle qui les fréquente, font de leurs salons bien moins des autels à Venus que des fumoirs, des buvettes, des tripots sur lesquels elles spéculent, où les amateurs des tapis vorts, fuyant les investigations de la police en recherche des contraventions de jeu, se livrent tranquillement aux émotions de la bouillotte, du lansquenet, du baccarat, qui conviennent plus à leur nature blasée que les intimités d'amour, pour lesquelles ils ne se sentent ni entrain ni aptitude.


    Le tabac possède donc, a n'en pas douter, des propriétés anaphrodisiaques; il calme les désirs vénériens, amène même l'impuissance, comme le camphre, le nénuphar, le sulfure de carbone, le bromure de potassium. Et, à ce titre, on pourrait peut-être trouver a justifier son usage, mais dans des conditions restreintes.

    Les désirs des sens, quand on ne peut pas ou qu'on ne veut pas les satisfaire, sont un état tellement anormal que, pour beaucoup d'organisations, ils constituent presque une maladie pour laquelle l'herbe á Nicot serait un véritable remède.

    Mais, à côté de ces propriétés anti-érotiques, que l'on pourrait appeler les qualités du tabac, et qui lui faisaient donner les noms d'herbe sainte, d'herbe divine, il existe toujours ses défauts et ses vices, qui ne permettront jamais de lui donner, auprès de l'humanité, un emploi régulier et utile. S'il a été banni des couvents, on il avait été tout d'abord constaté qu'il calmait les passions sexuelles, c'est que l'on s'aperçut, plus tard, qu'il altérait aussi l'organisme et bouleversait les intelligences.

    C'est ce qu'avaient reconnu les doctes de l'Église, quand les papes, entre autres Urbain VIII [1623-1644], le proscrivirent de leurs États sous peine d'excommunication et de châtiments corporels pour ceux qui en feraient usage. Et tous les souverains,

    -37-

    dans un intérêt d'hygiène publique sagement entendu, imitèrent leur exemple.

    Qui sait si dans ces graves résolutions administratives, les moralistes d'alors ne donnèrent pas aussi à entendre que le tabac devait être écarté de la bouche des hommes dans un grand but humanitaire? Car s'il éteint les ardeurs génitales, ce n'est qu'en tuant le zoosperme; et, devant Dieu et la société, devant sa conscience, l'homme n'a pas plus de droit de détruire en lui, par un poison, cet embryon de l'humanité, que la femme n'a le droit de tuer, par des substances abortives, le germe dont elle a été fécondée, et qui n'est autre que le petit être que lui a transmis l'homme, mais à un degré de vie plus avancé.

    Dans ces temps-là, alors que les gouvernements ne songeaient pas encore à faire argent des erreurs et des vices de leurs peuples, on savait les effets funestes que le tabac avait sur l'humanité, et on le prohibait. Aujourd'hui, on le tolère; on fait plus, on le patronne, on le régit, on l'adminnistre, on pousse à sa consommation comme à une chose importante et de nécessité première, quand on n'a pas assez d'asiles à donner aux malheureux dont il égare la raison, assez de soulagements à apporter aux familles dont il cause la misère, assez de lois pour réprimer ceux qu'il entraîne au désordre et au crime, assez de forces morales à inspirer à ceux qu'il pousse à la misanthropie et au suicide! . . .

    Et tout cela par l'action perversive de la nicotine sur notre sang et sur nos nerfs, ces deux grands axes de notre vie. . . .

    -38-

    Abrégé Chronologique
    de
    L'Invasion du Tabac

    1492. Découverte de l'Amérique.

    1518. Charles-Quint, roi d'Espagne [1516-1556], reçoit les premières graines de la prétendue panacée des Indes. D'Espagne, la plante passe en Portugal, où Jean Nicot, ambassadeur de France, apprend à la connaître.

    1560. Il la présente à Catherine de Médicis, reine de France, qui la patronne dans tout le monde, sous le titre pompeux de Catherinaire, Herbe à la Reine, remède à tous les maux.

    1586. Le tabac et la pomme de terre sont introduits en Angleterre.

    1600. Douze ans après la mort de Catherine de Médicis [1519-1589], le tabac, n'étant plus soutenu par la reine, est interdit en France par des lois sévères, comme étant dangereux pour la nation.

    1604. En Angleterre, on reconnaît qu'il cause les mêmes ravages qu'en France. Le roi Jacques Ier [1603-1625] fait un livre contre lui, et il est banni de toute l'Europe.

    1624. Le pape Urbain VIII [1623-1644] frappe de châtiments corporels et d'excommunication tous ceux qui font usage de cette substance, aussi dégradante pour l'âme que pernicieuse pour le corps.

    -39-

    1635. En France [Louis XIII, 1610-1643], une nouvelle ordonnance interdit son usage, sous peine de prison et de fouet.

    1679. Il reparaît en France [Louis XIV, 1643-1715], sous la protection du privilège. Jean Breton paye au gouvernement 250.000 francs par an, et obtient le droit de trafiquer seul sur la panacée des Indes.

    1718. Le gouvernement reprend la spéculation du tabac qui, en 1791, lui rapportait 32 millions de francs.

    1793. La Révolution rend libres la culture, la vente et la consommation du tabac.

    1811. Napoléon Ier, pour se procurer de l'argent, reprend le monopole du tabac et crée la Régie, qui a pour mission de fabriquer et vendre le tabac pour le compte du gouvernement.

    1820. Les Chambres demandent au gouvernement de supprimer le commerce immoral du tabac. Par considération de l'argent qu'il produit, la question est successivement ajournée par le gouvernement à 1826, à 1829, à 1837, à 1842, à 1852.

    1853. Napoléon III, un des plus grands fumeurs de son temps, et qui mourut de nicotisme, refait la bonne fortune du tabac, par l'exemple que donne sa cour. L'usage fashionable de la plante envahit le monde entier.

    -40-

  • Aussi par Le Dr Dépierris

    1. Physiologie Sociale: le Tabac Qui Contient le Plus Violent des Poisons, la Nicotine, Abrége-t-il l'Existence? Est-il Cause de la Dégénérescence Physique et Morale, des Sociétés Modernes? (Paris: Dentu, 1876, reprinted and edited, E. Flammarion, 1898)
    2. La Vérité sur le Tabac, le Plus Violent des Poisons, la Nicotine: Résumé de la Physiologie Sociale du Dr. H. A. Depierris: Le Tabac Abrége-t-il l'Existence? Est-il Cause de la Dégénérescence Physique et Morale des Sociétés Modernes? (Paris: E. Dentu; J. Baillière, 1880)
    3. Truth on Tobacco: Its History and Its Effects: Extract from Dr. Depierris' Social Physiology (Paris, 1876), transl. Bloch, Berthe B. (San Francisco: A.L. Bancroft & Co., 1881)
    4. La Prise de Tabac: Son Origine et Ses Effets: Extrait de la Physiologie Sociale (Paris: E. Dentu, 1882)


    Plus, en anglais